Le Maître du Manoir
Publié : 10 août 2014, 03:39
Chapitre 1
Comme pratiquement tous les soirs Adèle parcourait le net aussi bien pour tuer le temps que pour tromper sa solitude. Après une année d'études en Australie, suivie d'un périple qui l'avait menée du Canada jusqu'au Japon, la voyageuse avait fini par revenir en France et faire comme tout le monde : chercher du travail. Ainsi, elle avait envoyé des dizaines de CV au cours de la semaine et elle gardait un optimisme raisonnable quant à ses chances de trouver quelque chose rapidement. Mais pour l'heure, la jeune femme arpentait blogs, sites et forums en quête de son petit plaisir coupable : les légendes urbaines. Une touche de conspiration, une pointe de fantastique, et surtout du frisson. Des histoires abracadabrantesques d'autostoppeuses fantômes ou de jeunes femmes enlevées sur les parkings de supermarchés qu'elle dévorait, avide de sensations fortes. Malheureusement, à force d'en lire tous les soirs, elle avait fini par presque toutes les connaître, et les inédites se faisaient de plus en plus rares.
Au hasard d'un lien, elle ouvrit le blog d'une femme, du moins c'était ce que son pseudonyme laissait supposer, au nom teinté de mystère : « Les mises en garde de Julie ». Dans l'introduction écrite en lettres gothiques rouges, l'auteure avertissait ses futures lectrices (les seules concernées d'après elle) du danger qu'elles encouraient à lire la suite. Bien évidemment Adèle ne se fit pas prier pour continuer la lecture jusqu'à un chapitre intitulé : « Le Maître du Manoir ». Selon la fameuse Julie, il s'agissait là de la légende la plus terrifiante de toutes. Une phrase, une simple phrase invoquée trois fois par une jeune femme et alors, dans les ténèbres et la solitude de la nuit, un homme viendrait lui proposer de participer à un jeu, un jeu qu'elle aurait très intérêt à gagner...
Adèle se cambra sur sa chaise. Un frisson venait de saisir ses épaules. Décidément, cette femme avait le don pour exacerber crainte... et curiosité. Impossible pour elle d'arrêter sa lecture. L'auteure du blog prévenait une dernière fois ses lectrices du risque qu'elles prenaient et les invitait à ne jamais, ô grand jamais, prononcer trois fois la phrase suivante :
« Devenir l'esclave du Maître du Manoir, je veux ».
Cela lui sembla un peu cliché, à tel point qu'un petit rictus déforma ses lèvres. Mais le ton de la blogueuse semblait sérieux. Trop sérieux pour être honnête. Alors Adèle prononça la phrase une première fois à voix haute, par pur esprit de provocation.
-Devenir l'esclave du Maître du Manoir, je veux.
Stupide et ridicule.
-Devenir l'esclave du Maître du Manoir, je veux.
Il ne lui restait plus qu'à la dire une dernière fois, une toute dernière fois, pour en avoir le cœur net. En quelques mots elle allait prouver que cette légende n'était qu'une ineptie de plus dans le vaste océan des mythes et des impostures. Quelques mots et elle se prouverait à elle-même qu'elle n'avait pas peur, qu'elle ne craignait rien ni personne. Après avoir parcouru le monde Adèle se sentait aussi forte que courageuse.
-Devenir l'esclave du Maître du Manoir, je veux.
Son sort était joué. Ou bien, ce qui était prévisible, il n'allait rien se passer, ou bien...
Elle frissonna. Un souffle d'air froid venait de s'insinuer par la commissure de sa fenêtre entrouverte. D'un bond, elle se leva pour aller la fermer. Dehors la nuit s'annonçait froide et nuageuse. Heureusement, son studio était suffisamment bien chauffé pour qu'elle puisse se permettre de ne rien porter d'autre qu'un simple et court kimono noir. En quelques clics, elle éteignit son ordinateur et alla dans la salle de bain pour se laver les dents. Comme pour jouer, elle tira d'un geste brusque le rideau de la douche. Bien évidemment il n'y avait rien derrière. Aucun homme, aucun couteau, seul le pommeau laissait échapper quelques gouttes fugaces, pour témoigner de la douche qu'elle avait prise une heure plus tôt. Quelques instants plus tard elle pénétra dans sa chambre, ôta son kimono et s'enfonça toute nue dans la douceur de ses draps, son autre plaisir coupable. Vingt minutes plus tard elle dormait à poings fermés.
Une alarme indicible tira brusquement Adèle de ses rêves. Quelque chose n'allait pas. Une peur viscérale s'était emparée de son corps, de ses muscles, comme un réflexe, un instinct de survie, qui la poussait à se réveiller, à reprendre ses esprits. Il y avait un homme dans sa chambre. Vainement, elle tenta de se redresser, complètement ahurie et affolée, avant de se rendre compte de ce qui n'allait vraiment pas.
Elle était attachée. Pire, écartelée.
Impossible de bouger ses bras, impossible de remuer ses jambes, et surtout, impossible de crier. Une grosse boule de caoutchouc était coincée entre ses dents, obstruant sa bouche.
-Mmmh... gémit la jeune femme, terrifiée.
L'inconnu, qui jusqu'à présent se tenait tapi dans l'ombre, approcha alors lentement de sa proie, nue, vulnérable et sans défense.
-Mmmh... souffla-t-elle, les yeux exorbités lorsqu'il se pencha vers elle.
-Je suis le Maître, commença-t-il d'une voix grave mais néanmoins langoureuse, le Maître du Manoir...
-Mmmh...
-Chut... Tout doux... continua-t-il en caressant délicatement ses cheveux. Tu m'as invoqué Adèle... Tu m'as invoqué trois fois... Le message est clair. Tu désires devenir mon esclave, tu désires m'appartenir.
-Mmmh !!!
Elle ne voulait pas. Tout ceci n'était qu'un jeu, une provocation. Si elle avait imaginé un seul instant que cette légende était réelle, jamais elle n'aurait prononcé ces mots.
-Tu es une belle femme... Jeune, aventureuse, sportive... dit-il en effleurant les muscles de ses cuisses. Tu feras une excellente soumise...
-Mmmh !!! protesta-t-elle en se débattant frénétiquement.
-Oh... Quelque chose semble te déplaire dans mes paroles, dans mes mots peut-être ?
-Mmmh... gémit-elle en hochant la tête.
-Tu as pourtant prononcé la phrase trois fois Adèle... Une fois cela peut-être un accident... Deux fois à la rigueur... Mais trois... Non, trois fois c'est que tu en avais vraiment envie. Impossible qu'il en soit autrement.
-Mmmh...
-Mais je suis un homme raisonnable Adèle. Je tiens à m'assurer que c'est bien ce que tu souhaites...
Ouf !
Il allait lui retirer son bâillon et ainsi elle pourrait s'expliquer. Tout ceci n'était qu'un énorme malentendu.
-Alors je vais te proposer de participer à un jeu.
-Mmmh !!!
Elle ne voulait pas jouer, elle voulait qu'il la libère, maintenant ! C'était un cauchemar. Cela ne pouvait être que ça, un affreux cauchemar. Il fallait qu'elle se réveille. Il fallait que tout ceci s'arrête. Elle cligna des yeux plusieurs fois, espérant désespérément faire disparaître l'inconnu de sa chambre et les liens de ses membres.
-Du calme... du calme...
Sa voix était douce, presque apaisante.
-Si tu arrives à te libérer avant le lever du jour tu n'auras plus rien à craindre de moi... En revanche, dans le cas contraire je t'emmènerai avec moi dans mon Manoir... où tu apprendras obéissance et soumission, termina-t-il avant de s'éclipser de son champ de vision.
A suivre...
Comme pratiquement tous les soirs Adèle parcourait le net aussi bien pour tuer le temps que pour tromper sa solitude. Après une année d'études en Australie, suivie d'un périple qui l'avait menée du Canada jusqu'au Japon, la voyageuse avait fini par revenir en France et faire comme tout le monde : chercher du travail. Ainsi, elle avait envoyé des dizaines de CV au cours de la semaine et elle gardait un optimisme raisonnable quant à ses chances de trouver quelque chose rapidement. Mais pour l'heure, la jeune femme arpentait blogs, sites et forums en quête de son petit plaisir coupable : les légendes urbaines. Une touche de conspiration, une pointe de fantastique, et surtout du frisson. Des histoires abracadabrantesques d'autostoppeuses fantômes ou de jeunes femmes enlevées sur les parkings de supermarchés qu'elle dévorait, avide de sensations fortes. Malheureusement, à force d'en lire tous les soirs, elle avait fini par presque toutes les connaître, et les inédites se faisaient de plus en plus rares.
Au hasard d'un lien, elle ouvrit le blog d'une femme, du moins c'était ce que son pseudonyme laissait supposer, au nom teinté de mystère : « Les mises en garde de Julie ». Dans l'introduction écrite en lettres gothiques rouges, l'auteure avertissait ses futures lectrices (les seules concernées d'après elle) du danger qu'elles encouraient à lire la suite. Bien évidemment Adèle ne se fit pas prier pour continuer la lecture jusqu'à un chapitre intitulé : « Le Maître du Manoir ». Selon la fameuse Julie, il s'agissait là de la légende la plus terrifiante de toutes. Une phrase, une simple phrase invoquée trois fois par une jeune femme et alors, dans les ténèbres et la solitude de la nuit, un homme viendrait lui proposer de participer à un jeu, un jeu qu'elle aurait très intérêt à gagner...
Adèle se cambra sur sa chaise. Un frisson venait de saisir ses épaules. Décidément, cette femme avait le don pour exacerber crainte... et curiosité. Impossible pour elle d'arrêter sa lecture. L'auteure du blog prévenait une dernière fois ses lectrices du risque qu'elles prenaient et les invitait à ne jamais, ô grand jamais, prononcer trois fois la phrase suivante :
« Devenir l'esclave du Maître du Manoir, je veux ».
Cela lui sembla un peu cliché, à tel point qu'un petit rictus déforma ses lèvres. Mais le ton de la blogueuse semblait sérieux. Trop sérieux pour être honnête. Alors Adèle prononça la phrase une première fois à voix haute, par pur esprit de provocation.
-Devenir l'esclave du Maître du Manoir, je veux.
Stupide et ridicule.
-Devenir l'esclave du Maître du Manoir, je veux.
Il ne lui restait plus qu'à la dire une dernière fois, une toute dernière fois, pour en avoir le cœur net. En quelques mots elle allait prouver que cette légende n'était qu'une ineptie de plus dans le vaste océan des mythes et des impostures. Quelques mots et elle se prouverait à elle-même qu'elle n'avait pas peur, qu'elle ne craignait rien ni personne. Après avoir parcouru le monde Adèle se sentait aussi forte que courageuse.
-Devenir l'esclave du Maître du Manoir, je veux.
Son sort était joué. Ou bien, ce qui était prévisible, il n'allait rien se passer, ou bien...
Elle frissonna. Un souffle d'air froid venait de s'insinuer par la commissure de sa fenêtre entrouverte. D'un bond, elle se leva pour aller la fermer. Dehors la nuit s'annonçait froide et nuageuse. Heureusement, son studio était suffisamment bien chauffé pour qu'elle puisse se permettre de ne rien porter d'autre qu'un simple et court kimono noir. En quelques clics, elle éteignit son ordinateur et alla dans la salle de bain pour se laver les dents. Comme pour jouer, elle tira d'un geste brusque le rideau de la douche. Bien évidemment il n'y avait rien derrière. Aucun homme, aucun couteau, seul le pommeau laissait échapper quelques gouttes fugaces, pour témoigner de la douche qu'elle avait prise une heure plus tôt. Quelques instants plus tard elle pénétra dans sa chambre, ôta son kimono et s'enfonça toute nue dans la douceur de ses draps, son autre plaisir coupable. Vingt minutes plus tard elle dormait à poings fermés.
Une alarme indicible tira brusquement Adèle de ses rêves. Quelque chose n'allait pas. Une peur viscérale s'était emparée de son corps, de ses muscles, comme un réflexe, un instinct de survie, qui la poussait à se réveiller, à reprendre ses esprits. Il y avait un homme dans sa chambre. Vainement, elle tenta de se redresser, complètement ahurie et affolée, avant de se rendre compte de ce qui n'allait vraiment pas.
Elle était attachée. Pire, écartelée.
Impossible de bouger ses bras, impossible de remuer ses jambes, et surtout, impossible de crier. Une grosse boule de caoutchouc était coincée entre ses dents, obstruant sa bouche.
-Mmmh... gémit la jeune femme, terrifiée.
L'inconnu, qui jusqu'à présent se tenait tapi dans l'ombre, approcha alors lentement de sa proie, nue, vulnérable et sans défense.
-Mmmh... souffla-t-elle, les yeux exorbités lorsqu'il se pencha vers elle.
-Je suis le Maître, commença-t-il d'une voix grave mais néanmoins langoureuse, le Maître du Manoir...
-Mmmh...
-Chut... Tout doux... continua-t-il en caressant délicatement ses cheveux. Tu m'as invoqué Adèle... Tu m'as invoqué trois fois... Le message est clair. Tu désires devenir mon esclave, tu désires m'appartenir.
-Mmmh !!!
Elle ne voulait pas. Tout ceci n'était qu'un jeu, une provocation. Si elle avait imaginé un seul instant que cette légende était réelle, jamais elle n'aurait prononcé ces mots.
-Tu es une belle femme... Jeune, aventureuse, sportive... dit-il en effleurant les muscles de ses cuisses. Tu feras une excellente soumise...
-Mmmh !!! protesta-t-elle en se débattant frénétiquement.
-Oh... Quelque chose semble te déplaire dans mes paroles, dans mes mots peut-être ?
-Mmmh... gémit-elle en hochant la tête.
-Tu as pourtant prononcé la phrase trois fois Adèle... Une fois cela peut-être un accident... Deux fois à la rigueur... Mais trois... Non, trois fois c'est que tu en avais vraiment envie. Impossible qu'il en soit autrement.
-Mmmh...
-Mais je suis un homme raisonnable Adèle. Je tiens à m'assurer que c'est bien ce que tu souhaites...
Ouf !
Il allait lui retirer son bâillon et ainsi elle pourrait s'expliquer. Tout ceci n'était qu'un énorme malentendu.
-Alors je vais te proposer de participer à un jeu.
-Mmmh !!!
Elle ne voulait pas jouer, elle voulait qu'il la libère, maintenant ! C'était un cauchemar. Cela ne pouvait être que ça, un affreux cauchemar. Il fallait qu'elle se réveille. Il fallait que tout ceci s'arrête. Elle cligna des yeux plusieurs fois, espérant désespérément faire disparaître l'inconnu de sa chambre et les liens de ses membres.
-Du calme... du calme...
Sa voix était douce, presque apaisante.
-Si tu arrives à te libérer avant le lever du jour tu n'auras plus rien à craindre de moi... En revanche, dans le cas contraire je t'emmènerai avec moi dans mon Manoir... où tu apprendras obéissance et soumission, termina-t-il avant de s'éclipser de son champ de vision.
A suivre...