Une petite histoire en 2 parties. Portez-vous bien

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Mes yeux se plissent dès qu’ils retrouvent le plaisir de la
lumière. Je ne sais pas combien de temps j’ai gardé cette cagoule sur la tête
mais sa disparition ne me manquera pas. J’aperçois vaguement une silhouette en
face de moi qui tient une cagoule. Ma vision revenue à son état initiale, je finis
par comprendre que ce n’est pas la mienne. Une femme est dans le même état que
moi : ligotée, bâillonnée, chaussures ôtées et une chaussette en moins.
Elle doit certainement être dans sa bouche, tout comme la mienne.
La pièce semble être une chambre. Ou un bureau. Peu importe,
elle est vide de tout meuble et ne comporte qu’une seule porte. Elle vient
juste d’être fermée à clef par les 2 personnes qui nous ont déposées ici. Pas
un seul mot de leur part en quittant la pièce. Nous avons également choisi de
ne pas leur parler. Après avoir regardé la baie vitrée au store baissé, je me
plonge dans le regard de la femme qui partage le même sort que moi. Ses yeux
marrons ne me sont absolument pas familiers, sa chevelure lisse, longue et
brune aux pointes blondes encore moins. Sa bouche est cachée par du ruban
adhésif, lui faisant également le tour de la tête. C’est pareil pour moi, je
sens que ça tire si j’essaie de pencher ma tête. Et je bave énormément dans la
chaussette emplissant ma bouche. Son ruban adhésif est celui des chantiers, de
couleur orange. Je ne sais pas si j’ai le même mais nous avons chacun notre
chaussette gauche d’enlevée. Son pied est fin, largement plus que le mien. En
pliant légèrement ses doigts de pieds, j’aperçois un vernis bleu qui contraste
totalement avec le blanc de la moquette sur laquelle nous avons été déposés.
Face à face, chacun adossé au mur opposé, nous nous décidons enfin à bouger. Ou
plutôt à tester nos liens.
Nos jambes sont ligotées à 3 endroits : bas des
chevilles, en dessous et au-dessus des genoux. De mon point de vue c’est joli
mais surtout très efficace. J’arrive à peine à décaler un pied. Je regarde ma
partenaire de captivité et elle en arrive au même résultat. Son pied sans chaussette
ne remonte pas bien haut. Les tours de cordes complétés par d’autres tours
entre nos jambes nous rendent hermétiques à tous mouvements. Je me concentre un
instant sur son jean. Pratiquement de la même couleur que son vernis, il lui
colle littéralement à la peau. Un instant j’ai l’impression que les cordes ne
sont pas complètement serrées. C’est juste une impression car elle vient
d’essayer de toucher la corde de ses chevilles avec ses mains. Le spectacle fut
éloquent, le jean à avaler les cordes de ses genoux et ses doigts ont à peine
effleuré la corde. Elle s’est remise dans la position initiale en lâchant un
« Mmmmmmmfffff » de mécontentement. La libération s’annonce
compliquée. Surtout quand je tente de détacher mes mains. Croisées dans mon
dos, elles sont solidement liées et maintenues par des cordes autour de mon
torse. En tournant la tête, je m’aperçois que l’ensemble est fermement serré.
Les liens passant en dessous des manches du tee-shirt rentrent bien dans ma
peau sans pour autant me faire mal. C’est vraiment du travail de pro.
*
Je pensais avoir bien fait ce matin en mettant ce top satiné
aux manches longues, mais impossible de faire glisser les cordes dessus. Il
doit me prendre pour une folle à gigoter le haut de mon corps comme ça…normalement
le satin ça glisse ! Mais là il ne se passe rien. À part faire bouger ma
poitrine pourtant compressée par les cordes, je ne suis pas prête à me libérer.
Et à nous libérer par la même occasion.
J’ai froid au pied nu. L’idée de nous mettre une chaussette
dans la bouche c’est un peu dégueulasse. Idem pour les tours de ruban adhésif
autour de la tête, ça va être la misère à retirer. J’ai intérêt à faire très
attention en l’enlevant, enfin il faut d’abord qu’un de nous se détache pour en
arriver à ce stade. Mon compagnon d’enlèvement bouge moins que moi, on dirait
presque qu’il est résigné. Remarque depuis le temps que je remue dans mes
liens, aucune corde ne s’est desserrée. J’aimerai crier…et bien non, je mâche
ma chaussette en guise de mécontentement. Et j’avale énormément de salive que
je préfèrerai recracher. Malheureusement la situation ne me permet pas
grand-chose d’autre. Et ce n’est pas toute seule que je vais arriver à quoique
ce soit. Je lui montre mes mains et avec le visage lui fait un geste en direction
des siennes. Putain, il ne trouve pas mieux que de zieuter ma poitrine !
C’est pas gagné avec cet inconnu qui semble plus attiré par mes seins que par
nos liens. Bon j’avoue que je regarde souvent son entrejambe, son pantalon slim
laisse entrevoir un truc sympa. On se réveille ma grande, ce n’est absolument
pas le moment. Je me couche entièrement au sol en disant
« Mmmmmmmmmmfffffffffffééééééééééé ». C’est l’équivalent de
« fais pareil », j’espère qu’il a compris. Oui c’est bon, il fait
pareil. Le langage chaussette dans la bouche semble universel. La moquette est
douce, elle réchauffe un peu mon pied. Je croise comme je le peux mes pieds en
regardant mon futur compagnon d’évasion. Mon pied nu frotte ma chaussette
restante pendant que mes dents serrent celle dans ma bouche. Je donne un ultime
coup de bras avec l’espoir que les cordes descendent un peu. Peine perdue, ma
petite poitrine bien cernée par les cordes ne laisse rien passer. Ma seule
chance de m’en sortir c’est lui.
*
C’était hypnotisant sa séance de gigotage. À part ses seins,
rien d’autre n’a bougé ! Elle aura au moins essayé pour mon plus grand
plaisir. Maintenant on passe à la vitesse supérieure : on va bosser en
duo. Je vois à peu près où elle souhaite en venir, se mettre dos à dos pour libérer
nos bras. Le tout en cherchant les nœuds à l’aveugle. Idée un peu saugrenue
mais c’est la seule qui semble pouvoir nous sortir de là.
Je roule jusqu’à elle. On se retrouve face à face. Un face à
face très proche, je sens son délicat parfum ainsi qu’un léger souffle qui sort
de son petit nez. Elle colle sa bouche scellée contre la mienne. Ce n’est ni un
baiser ni une tentative de séduction. Elle remue sa tête par à-coups pour me
faire comprendre de me retourner. Du moins c’est ce que je comprends. Ou alors
elle essaie de décoller le ruban adhésif. Mais je n’y crois pas une seconde. Je
me mets donc de dos et elle en a fait de même car désormais nos mains se
touchent. Je pose mes pieds contre les siens en me disant que c’est bien
dommage que nous ayons la même chaussette d’enlevée, j’aurai aimé que nos pieds
nus se touchent. Tant pis. L’heure n’est pas au fantasme, mais plus à la
tentative de libération. Nos doigts se touchent, s’entremêlent, tirent les
cordes et…il ne se passe rien. Au bout d’un moment elle me pince un doigt. Je
suppose que c’est pour me dire de la laisser faire. J’ai tout bon : elle
passe un sacré moment à me caresser le dos, à tirer sur mes cordes ou encore à
chercher la fin de l’adhésif autour de ma nuque. Elle ne lâche rien mais le résultat
est sans appel, nous sommes toujours dans la situation initiale. À mon tour de
tenter quelque chose.
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J’abandonne, je n’arrive à rien. Je lui passe un doigt dans
le creux de sa main pour lui laisser le champ libre, s’il veut bien tenter
quelque chose. Et il y va. Il glisse tout doucement vers mes pieds. Ses mains
suivent les courbes de mon corps. Malgré tout, j’apprécie ce contact car je ne
suis pas seule dans cette situation. Et puis il est doux dans ses gestes. On
dirait que les cordes ne l’empêchent pas de se mouvoir tout en gardant un
semblant de sensualité dans cette houleuse situation.
Mes jambes devenues fil d’Arianne, il les a suivies et
caressées jusqu’au terminus : mes pieds. J’en profite pour passer mon pied
nu sur une de ses mains dans l’espoir qu’il me le frotte un peu pour le
réchauffer. Et c’est ce qu’il fait avant de s’attaquer au nœud. Je baisse la
tête et je vois qu’il l’a trouvé. Le ruban adhésif me tire sur les cheveux mais
je garde un œil sur le déroulement de l’opération. J’avale une gorgée de salive
en disant « Mmmmoooooouuuiiiiii ». J’en ai marre de cette chaussette.
Le désespoir vient du fait qu’il ne peut utiliser qu’une main pour tenter de
défaire le nœud. Un simple double nœud. J’aimerai l’encourager ou lui donner
des indications mais je ne peux rien faire à part être spectatrice.
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Si j’y arrive ce sera un bon début. Elle aura les pieds
détachées et pourra…enfin elle pourra…faire quoi ? Au lieu de continuer à
travailler la libération de nos mains, je perds de l’énergie à la délivrance de
ses pieds. Et après ? Comment va-t-elle se relever ? Elle va ouvrir
la porte avec ses pieds ? Me délier les mains ? C’est quoi le
plan ? Ah, j’ai réussi ! Et d’une main.
Je retire la corde en suivant son seul mouvement. Le fait
qu’elle bouge ses pieds accélère la cadence. La corde blanche finit sur la
moquette. Je me tourne pour voir le résultat et je tombe sur ses pieds libres. Un
peu plus libres mais loin de l’être complètement. Je lève la tête et je vois
dans ses yeux qu’elle est contente. Elle arrive à être enjouée dans cette
situation. Moi aussi mais dans une moindre mesure. Son pied nu vient se coller
sur le ruban adhésif de ma bouche. Elle essaie de le tirer vers le bas avec son
gros orteil. Le résultat est sans appel : il finit souvent sur mon nez. Mais
elle ne lâche rien, elle croit pouvoir y arriver. C’est vrai que j’aimerai bien
pouvoir recracher ma chaussette et lui faire un petit bisou sur le pied pour la
remercier de cet exploit. Mais je n’en ferai rien. Elle abandonne. Je me
tortille jusqu’à ce que nos têtes soient au même niveau.
« Mmmmouaaaaaiiiiiiii », c’est le seul truc qu'il me vient à dire.
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J’ai les pieds libres et j’en ai marre. Je ne peux pas faire
grand-chose avec. En posant ma tête contre la sienne, je cherche du réconfort
qu’il arrive à me renvoyer. Je souffle par le nez avec insistance. Il se
redresse un peu et pose le ruban adhésif de sa bouche sur mon front, comme pour
me faire un bisou. En réalité je suis sûre qu’il m’en fait un. Ça m’apaise un
peu. Seule j’aurai peut-être déjà perdu espoir. Mais là je l’ai gardé. J’ai juste
besoin d’un peu de repos pour retrouver mes esprits. Je me blottis contre lui
en fermant les yeux. Ma poitrine serrée contre son torse, je sens les
battements de mon cœur s’intensifier. Mon esprit se vide petit à petit. Le
temps passe sans un bruit. Il n’y aucun bruit venant de l’extérieur ou d’une
autre pièce. Mon cœur revient à une allure normale. Je commence à m’endormir
dans cette position pourtant inconfortable mais bien réconfortante.
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Elle s’est endormie. Elle a donné son maximum. Je crois que
je vais en faire autant pour retenter quelque chose plus tard. Malheureusement
la porte s’ouvre et laisse entrer nos 2 kidnappeurs du jour. Et ils ne rentrent
pas les mains vides.
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