Re: La Prédatrice (roman feuilleton)
Publié : 12 oct. 2018, 11:16
La prédatrice 6)
Ainsi je rencontre rapidement Virginie et Léonie : Elles ont été prises en auto-stop, l’une sur la route de Narbonne à la sortie de Sigean et l’autre entre Mèze et Pézenas. Là, c’est une vieille Golf grise qui a été utilisée, elles se sont assises à côté de la passagère sans se rendre compte qu’un homme avait réussi à se dissimuler au pied des sièges arrières, elles avaient à peine vu la couverture qui le cachait. Il a surgi tout d’un coup juste après que la conductrice ait bifurqué sur une route secondaire : Juste le temps de dire « Où allez-vous ? » et elles se sont senties maintenues bloquées contre le siège. La voiture s’arrête, rapidement un bâillon dans la bouche, les mains menottées puis les pieds liées aux mains, un bandeau sur les yeux, toujours la même façon de procéder : Bloquées et maintenues à l’arrière, amenées on ne sait où, elles se sont retrouvées dans une chambre, dénudées et attachées, tout comme pour Chloé. La suite est à peu près la même, elles ont voulu lutter, résister, elles ont pleuré, supplié, mais sous les coups elles ont cédé aux caprices et aux volontés de cette femme… Elles me diront à peu près la même chose, la même histoire, la résignation, la prostration qui les a gagnées au fil des jours et des nuits. Elles seront abandonnées dans les mêmes conditions, rapidement prises en charge car le SRPJ de Montpellier a fait circuler des avis dans tous les postes de police et les gendarmeries. Plus tard, je les réunis toutes les trois, plus Lydia, elles peuvent en parler ensemble, se raconter, essayer de retrouver des détails comme : Elle disait souvent « t’y » au lieu de « tu ». Nous revenons à la description des chambres où elles ont été détenues : Banales, rideaux ordinaires, pas de décoration. Vraiment rien ? Non, rien du tout mais il y avait des crochets aux murs. » Indique Chloé. « Dans la mienne, il y en avait aussi et des rectangles clairs en dessous !» rajoute Léonie. Ce qui signifie que des tableaux venaient d’être enlevés, tout indice a été gommé donc. Rien de particulier sur l’extérieur : Rideaux tirés, parfois des cris lointains, des bruits de voiture et surtout de deux roues, jamais tout proches. Malgré le peu d’éléments recueillis, cette rencontre fut très chaleureuse et a été très positive pour elles : Ne plus se sentir isolées, s’entraider pour évacuer leurs mauvais souvenirs, le stress résiduel. Revivre !
Retrouver les victimes précédentes, les faire parler a été d’une plus grande difficulté, je m’y suis acharnée, pour aider ses femmes bien plus que pour faire avancer mon enquête car après un an les souvenirs des détails se sont émoussées. Non soignées, peu aidées, à part – pour certaines – par les proches ou la famille, elles se sont réfugiées dans une sorte d’amnésie que les spécialistes qualifient d’évitement. Hélas, refouler ce genre de souvenirs ne suffit pas, on ne sort pas indemne d’une telle histoire. Cauchemars, anxiété, isolement et moins de confiance envers les autres, envers les femmes dans ce cas présent. Cela ne va pas m’aider, j’ai la haine contre ces gendarmes débonnaires et insouciants qui ont cru à une affaire de mœurs un peu trouble, certes, mais puisque la victime ne déposait pas plainte, pourquoi se compliquer la vie ? Pourtant il aurait fallu qu’elles soient tout de suite entendues par des soignants spécialisés, psychologue ou autres. Mais voilà, ils avaient à faire à un cas hors norme, une femme qui viole d’autres femmes cela n’est pas censé exister et ne rentre pas des les casiers habituels, alors on classe sans suite, on ne transmet pas au procureur et plus rien ne bouge… J’ai dû faire appel à toute la persuasion dont j’étais capable pour pouvoir les rencontrer, coups de fil, rendez-vous, démarches auprès des proches. Heureusement, j’ai été secondée par Chloé et Lydia, parfois aussi par Virginie et Léonie. Je les ai aidées et elles m’ont aidée, cela a souvent été décisif, étant elles-mêmes victimes, elles ne représentent pas une autorité policière ou médicale que ces filles avaient au départ tendance à rejeter. De plus les psychologues qui suivent les trois dernières victimes se sont portées volontaires pour me seconder et suivront aussi ces jeunes femmes pour les sortir des traumatismes dont elles sont toujours victimes.
Je peux donc me consacrer à compléter les dossiers sur les cinq premiers enlèvements (connus), en préciser les circonstances et le déroulement. Il appert que les auteurs ont semblé améliorer leur technique au fur et à mesure de leurs forfaits, les premières victimes ont été « arrachées » alors qu’elles attendaient à un arrêt de bus ou en bordure d’une rue ou d’une route plus tranquille. De plus en plus ils ont préféré prendre moins de risque de se faire repérer par d’autres passants. Alors ils se sont attaqués aux auto-stoppeuses ou aux joggeuses isolées, ces dernières étant plus faciles à pister pour choisir le moment propice. Même chose pour les libérer : Les premières furent abandonnées de nuit dans des quartiers résidentiels, mains liées au dos et bâillonnées, cela aurait pu être vu d’éventuels témoins qui auraient donné l’alerte. Alors ils ont pris la précaution de louer une chambre, parfois deux ou trois jours auparavant pour y déposer discrètement leur victime le moment venu. Toujours donnant une fausse identité et réglant d’avance en espèces… Les hôteliers se souviennent d’un homme habillé comme un touriste et portant des lunettes noires : Pas de quoi éveiller des soupçons et laisser un souvenir précis. Par contre, les témoignages des filles ne m’apporteront guère d’indices supplémentaires : Coiffure et maquillages de la femme ont très souvent changé, l’homme est soit rasé, soit avec une barbe naissante…et toujours ses lunettes. Première à avoir été enlevée, Valérie : Elle attendait son bus à Elne pour rentrer chez elle à Perpignan, elle était seule quand est arrivé un homme, semble-t-il pour attendre lui aussi. Mais c’est une voiture qui est arrivée, la conductrice est sortie et à eu deux ils l’ont embarquée, liée, muselée comme pour toutes celles qui vont suivre. Suivront cinq jours de détention…et d’outrages. Suivra Jessica, capturée à Nîmes, tout à l’opposé de la région. Elle n’avait que 19 ans, ils ne l’ont gardée -si l’on peut dire- que quatre jours, il semble qu’elle ne pouvait s’empêcher de pleurer dès qu’elle était tourmentée. Les coups et menaces n’y ont rien changé, cela a dû décourager sa prédatrice. Mélanie, Angélique puis Pauline suivront, cette dernière fut la première à avoir été retrouvée dans une chambre d’hôtel. Je n’ai pas encore pu voir Angélique qui habite en région parisienne. Toutefois j’ai pu échanger avec elle au téléphone et l’ai convaincue de recevoir une psychologue que nous avons mandatée pour aller lui rendre visiter et se charger d’elle. Ce qui est certain c’est que depuis que ces femmes savent qu’elles sont plusieurs à avoir subi les mêmes épreuves, elles s’ouvrent et se confient plus facilement.
J’ai bien mis une dizaine de jours, même le week-end, à voir et revoir toutes ces jeunes femmes, toutes ont entre 19 et 28 ans, là aussi elles ont été ciblées, jeunes, minces et plutôt jolies. En compagnie des policiers Magné et Cazals, je donne un compte rendu de mon enquête, sont aussi présente trois psychologues et un sexologue. Toutes les victimes ont été invitées à la réunion mais sans rien leur imposer, les exposés techniques pouvant être rébarbatifs : Chloé, Lydia, Léonie, Virginie et Mélanie sont venues de leur propre gré. Elles peuvent prendre la parole si elles le souhaitent. Toutes les spécialistes s’accordent pour donner le profil psychique de cette femme infernale : A la fois nymphomane et dominatrice jusqu’à en devenir obsédée sexuelle et tortionnaire : Elle aime capturer, posséder, humilier et violer : Il lui faut comme partenaires des femmes victimes, non consentantes, réduites à l’impuissance par des cordes et un bâillon, elle jouit de la puissance, de la tyrannie qu’elle exerce sur elles et arrive à les entrainer malgré elles dans sa jouissance dépravée. Telle une araignée qui après avoir immobilisé ses proies dans un cocon, les dévore de l’intérieur, elle les a possédées, abusées et parasitées jusqu’à épuisement, jusqu’à annihilation de leur volonté et de leur esprit. C’est un comportement transgressif, elle se moque des conséquences de ses actes, aussi bien des dégâts qu’elle peut provoquer sur la santé mentale ou physique de ses victimes et également sur les conséquences pénales si elle est un jour arrêtée. Se croit-elle intouchable, inatteignable ? Là il y a certainement un orgueil démesuré, un désir de domination sans limite.
Le sexologue prend la parole : «Je rejoins entièrement vos analyses, toutefois quand vous dites qu’elles ont été entrainées dans la jouissance, je dois modérer cette affirmation : Les victimes ont pu ressentir des orgasmes de façon mécanique suite aux sollicitations sexuelles dont elles ont été l’objet. Il se peut aussi qu’elles y ont trouvé une sorte d’échappatoire suite à la longue réclusion qu’elles ont subie. En aucun cas les victimes ne doivent s’en culpabiliser. En aucun cas cela ne peut constituer une excuse pour leur tortionnaire ! D’autre part,à partir des éléments que vous m’avez communiqués je me suis livré à une petite enquête auprès de quelques personnes fréquentant les milieux BDSM, autrement dit : Bondage / Discipline / Domination et Soumission / Sado – Masochisme qui maintenant remplace l’appellation SM ou vulgairement Sado-Maso. Il n’y a pas de doute pour eux : Cette personne fait ou a fait partie de ce milieu : Le matériel qu’elle utilise : Cravache, fouet, martinet, pinces à seins, bâillons, menottes…En y rajoutant des sex-toys genre godemiché ou plug anal, tout cela indique un savoir faire affirmé de la domination comme elle se pratique dans ce milieu, les clubs, les boîtes de nuit spécialisées, les soirées privées. Seulement elle n’en respecte plus la règle essentielle : Le sadisme n’y est que de façade et en fait se sont les personnes dominées, soumises qui indiquent aux dominateurs les limites qu’ils ne veulent ou ne peuvent dépasser. Là aussi, il y a transgression de sa part.
D’autre part, sa technique de bondage, de ligotage si vous préférez est imparable : Comment expliquer qu’aucune des femmes séquestrée n’ait jamais réussi à se libérer ? Il faut une longue pratique, une longue expérience pour en arriver là ! Cela ne s’apprend pas en regardant des vidéos ! Contrairement à des chaines cadenassées ou à des menottes, en luttant contre elles, à la longue les cordes peuvent s’étirer, se relâcher, les nœuds peuvent finir par glisser, se défaire… » Les quatre victimes présentes prennent la parole pour confirmer : « Pourtant nous avons lutté sans relâche pendant des heures et des heures, jour et nuit, jusqu'à nous en irriter les poignets ! » -« Au début en tout cas, qu’est-ce que je me suis démenée, jusqu’à en attraper des crampes mais rien à faire, rien n’a cédé ! » - « C’était vraiment impossible, les cordes me tenaient de partout, la nuit c’était un peu plus lâche mais comme elle dormait à coté de moi… » - « Finalement, de jour en jour, je me suis résignée, les liens n’étaient pas douloureux mais je finissais par me faire mal à vouloir en réchapper et sans aucun résultat… Alors je me suis découragée, je ne bougeais plus, je ne luttais plus… » De plus cette femme prenait soin de vérifier leurs liens, de les refaire, de les changer de position ; toutes conviennent de l’impossibilité de s’évader malgré tous leurs efforts et toutes ont fini par renoncer, de guerre lasse.
Je reprends la parole : « D’après ce que vous dites c’est donc dans ce milieu qu’il faut rechercher, nous devons envoyer interroger tous les clubs, tous les lieux et tous les pratiquants de BDSM que nous pourrons trouver. Je sais bien que cette femme sait changer d’aspect mais nous pourrions établir une gamme de portrait robots avec ses différentes coiffures, qu’en pensez vous ? » Fabienne et Charles acquiescent : « Oui c’est une bonne idée, nous allons donner des instructions en ce sens et nos amies présentes ici nous aideront à les peaufiner, n’est ce pas ? » Toutes quatre sont partantes bien sûr, la coalition des victimes, ce n’est pas un vain mot ! « Ensuite nous allons déployer des enquêteurs dans tout le secteur concerné. Et vous, Mme Paoli, comment voyez-vous la suite de vos investigations ? - Je pense remonter quelques jours à Paris, il me reste cette Angélique S. de Bondy à rencontrer, suite à la visite de la psychologue que nous lui avons mandatée et à plusieurs coups de fils, de ma part mais aussi de Chloé, elle désire me voir et être tenue au courant de l’avancement de l’enquête. Vous voyez, cette haine rentrée qu’elles avaient toutes s’est maintenant muée en désir de combat, c’est tant mieux pour elles et tant mieux pour nous. Par ailleurs je veux aussi me documenter plus précisément sur ce milieu et ces pratiques dont le docteur vient de nous parler, je pense que c’est à Paris où je peux trouver le plus d’informations. La réunion se conclut par un petit apéritif, sans trop d’alcool, il ne faut pas donner une mauvaise réputation à la police !
A suivre ...
Ainsi je rencontre rapidement Virginie et Léonie : Elles ont été prises en auto-stop, l’une sur la route de Narbonne à la sortie de Sigean et l’autre entre Mèze et Pézenas. Là, c’est une vieille Golf grise qui a été utilisée, elles se sont assises à côté de la passagère sans se rendre compte qu’un homme avait réussi à se dissimuler au pied des sièges arrières, elles avaient à peine vu la couverture qui le cachait. Il a surgi tout d’un coup juste après que la conductrice ait bifurqué sur une route secondaire : Juste le temps de dire « Où allez-vous ? » et elles se sont senties maintenues bloquées contre le siège. La voiture s’arrête, rapidement un bâillon dans la bouche, les mains menottées puis les pieds liées aux mains, un bandeau sur les yeux, toujours la même façon de procéder : Bloquées et maintenues à l’arrière, amenées on ne sait où, elles se sont retrouvées dans une chambre, dénudées et attachées, tout comme pour Chloé. La suite est à peu près la même, elles ont voulu lutter, résister, elles ont pleuré, supplié, mais sous les coups elles ont cédé aux caprices et aux volontés de cette femme… Elles me diront à peu près la même chose, la même histoire, la résignation, la prostration qui les a gagnées au fil des jours et des nuits. Elles seront abandonnées dans les mêmes conditions, rapidement prises en charge car le SRPJ de Montpellier a fait circuler des avis dans tous les postes de police et les gendarmeries. Plus tard, je les réunis toutes les trois, plus Lydia, elles peuvent en parler ensemble, se raconter, essayer de retrouver des détails comme : Elle disait souvent « t’y » au lieu de « tu ». Nous revenons à la description des chambres où elles ont été détenues : Banales, rideaux ordinaires, pas de décoration. Vraiment rien ? Non, rien du tout mais il y avait des crochets aux murs. » Indique Chloé. « Dans la mienne, il y en avait aussi et des rectangles clairs en dessous !» rajoute Léonie. Ce qui signifie que des tableaux venaient d’être enlevés, tout indice a été gommé donc. Rien de particulier sur l’extérieur : Rideaux tirés, parfois des cris lointains, des bruits de voiture et surtout de deux roues, jamais tout proches. Malgré le peu d’éléments recueillis, cette rencontre fut très chaleureuse et a été très positive pour elles : Ne plus se sentir isolées, s’entraider pour évacuer leurs mauvais souvenirs, le stress résiduel. Revivre !
Retrouver les victimes précédentes, les faire parler a été d’une plus grande difficulté, je m’y suis acharnée, pour aider ses femmes bien plus que pour faire avancer mon enquête car après un an les souvenirs des détails se sont émoussées. Non soignées, peu aidées, à part – pour certaines – par les proches ou la famille, elles se sont réfugiées dans une sorte d’amnésie que les spécialistes qualifient d’évitement. Hélas, refouler ce genre de souvenirs ne suffit pas, on ne sort pas indemne d’une telle histoire. Cauchemars, anxiété, isolement et moins de confiance envers les autres, envers les femmes dans ce cas présent. Cela ne va pas m’aider, j’ai la haine contre ces gendarmes débonnaires et insouciants qui ont cru à une affaire de mœurs un peu trouble, certes, mais puisque la victime ne déposait pas plainte, pourquoi se compliquer la vie ? Pourtant il aurait fallu qu’elles soient tout de suite entendues par des soignants spécialisés, psychologue ou autres. Mais voilà, ils avaient à faire à un cas hors norme, une femme qui viole d’autres femmes cela n’est pas censé exister et ne rentre pas des les casiers habituels, alors on classe sans suite, on ne transmet pas au procureur et plus rien ne bouge… J’ai dû faire appel à toute la persuasion dont j’étais capable pour pouvoir les rencontrer, coups de fil, rendez-vous, démarches auprès des proches. Heureusement, j’ai été secondée par Chloé et Lydia, parfois aussi par Virginie et Léonie. Je les ai aidées et elles m’ont aidée, cela a souvent été décisif, étant elles-mêmes victimes, elles ne représentent pas une autorité policière ou médicale que ces filles avaient au départ tendance à rejeter. De plus les psychologues qui suivent les trois dernières victimes se sont portées volontaires pour me seconder et suivront aussi ces jeunes femmes pour les sortir des traumatismes dont elles sont toujours victimes.
Je peux donc me consacrer à compléter les dossiers sur les cinq premiers enlèvements (connus), en préciser les circonstances et le déroulement. Il appert que les auteurs ont semblé améliorer leur technique au fur et à mesure de leurs forfaits, les premières victimes ont été « arrachées » alors qu’elles attendaient à un arrêt de bus ou en bordure d’une rue ou d’une route plus tranquille. De plus en plus ils ont préféré prendre moins de risque de se faire repérer par d’autres passants. Alors ils se sont attaqués aux auto-stoppeuses ou aux joggeuses isolées, ces dernières étant plus faciles à pister pour choisir le moment propice. Même chose pour les libérer : Les premières furent abandonnées de nuit dans des quartiers résidentiels, mains liées au dos et bâillonnées, cela aurait pu être vu d’éventuels témoins qui auraient donné l’alerte. Alors ils ont pris la précaution de louer une chambre, parfois deux ou trois jours auparavant pour y déposer discrètement leur victime le moment venu. Toujours donnant une fausse identité et réglant d’avance en espèces… Les hôteliers se souviennent d’un homme habillé comme un touriste et portant des lunettes noires : Pas de quoi éveiller des soupçons et laisser un souvenir précis. Par contre, les témoignages des filles ne m’apporteront guère d’indices supplémentaires : Coiffure et maquillages de la femme ont très souvent changé, l’homme est soit rasé, soit avec une barbe naissante…et toujours ses lunettes. Première à avoir été enlevée, Valérie : Elle attendait son bus à Elne pour rentrer chez elle à Perpignan, elle était seule quand est arrivé un homme, semble-t-il pour attendre lui aussi. Mais c’est une voiture qui est arrivée, la conductrice est sortie et à eu deux ils l’ont embarquée, liée, muselée comme pour toutes celles qui vont suivre. Suivront cinq jours de détention…et d’outrages. Suivra Jessica, capturée à Nîmes, tout à l’opposé de la région. Elle n’avait que 19 ans, ils ne l’ont gardée -si l’on peut dire- que quatre jours, il semble qu’elle ne pouvait s’empêcher de pleurer dès qu’elle était tourmentée. Les coups et menaces n’y ont rien changé, cela a dû décourager sa prédatrice. Mélanie, Angélique puis Pauline suivront, cette dernière fut la première à avoir été retrouvée dans une chambre d’hôtel. Je n’ai pas encore pu voir Angélique qui habite en région parisienne. Toutefois j’ai pu échanger avec elle au téléphone et l’ai convaincue de recevoir une psychologue que nous avons mandatée pour aller lui rendre visiter et se charger d’elle. Ce qui est certain c’est que depuis que ces femmes savent qu’elles sont plusieurs à avoir subi les mêmes épreuves, elles s’ouvrent et se confient plus facilement.
J’ai bien mis une dizaine de jours, même le week-end, à voir et revoir toutes ces jeunes femmes, toutes ont entre 19 et 28 ans, là aussi elles ont été ciblées, jeunes, minces et plutôt jolies. En compagnie des policiers Magné et Cazals, je donne un compte rendu de mon enquête, sont aussi présente trois psychologues et un sexologue. Toutes les victimes ont été invitées à la réunion mais sans rien leur imposer, les exposés techniques pouvant être rébarbatifs : Chloé, Lydia, Léonie, Virginie et Mélanie sont venues de leur propre gré. Elles peuvent prendre la parole si elles le souhaitent. Toutes les spécialistes s’accordent pour donner le profil psychique de cette femme infernale : A la fois nymphomane et dominatrice jusqu’à en devenir obsédée sexuelle et tortionnaire : Elle aime capturer, posséder, humilier et violer : Il lui faut comme partenaires des femmes victimes, non consentantes, réduites à l’impuissance par des cordes et un bâillon, elle jouit de la puissance, de la tyrannie qu’elle exerce sur elles et arrive à les entrainer malgré elles dans sa jouissance dépravée. Telle une araignée qui après avoir immobilisé ses proies dans un cocon, les dévore de l’intérieur, elle les a possédées, abusées et parasitées jusqu’à épuisement, jusqu’à annihilation de leur volonté et de leur esprit. C’est un comportement transgressif, elle se moque des conséquences de ses actes, aussi bien des dégâts qu’elle peut provoquer sur la santé mentale ou physique de ses victimes et également sur les conséquences pénales si elle est un jour arrêtée. Se croit-elle intouchable, inatteignable ? Là il y a certainement un orgueil démesuré, un désir de domination sans limite.
Le sexologue prend la parole : «Je rejoins entièrement vos analyses, toutefois quand vous dites qu’elles ont été entrainées dans la jouissance, je dois modérer cette affirmation : Les victimes ont pu ressentir des orgasmes de façon mécanique suite aux sollicitations sexuelles dont elles ont été l’objet. Il se peut aussi qu’elles y ont trouvé une sorte d’échappatoire suite à la longue réclusion qu’elles ont subie. En aucun cas les victimes ne doivent s’en culpabiliser. En aucun cas cela ne peut constituer une excuse pour leur tortionnaire ! D’autre part,à partir des éléments que vous m’avez communiqués je me suis livré à une petite enquête auprès de quelques personnes fréquentant les milieux BDSM, autrement dit : Bondage / Discipline / Domination et Soumission / Sado – Masochisme qui maintenant remplace l’appellation SM ou vulgairement Sado-Maso. Il n’y a pas de doute pour eux : Cette personne fait ou a fait partie de ce milieu : Le matériel qu’elle utilise : Cravache, fouet, martinet, pinces à seins, bâillons, menottes…En y rajoutant des sex-toys genre godemiché ou plug anal, tout cela indique un savoir faire affirmé de la domination comme elle se pratique dans ce milieu, les clubs, les boîtes de nuit spécialisées, les soirées privées. Seulement elle n’en respecte plus la règle essentielle : Le sadisme n’y est que de façade et en fait se sont les personnes dominées, soumises qui indiquent aux dominateurs les limites qu’ils ne veulent ou ne peuvent dépasser. Là aussi, il y a transgression de sa part.
D’autre part, sa technique de bondage, de ligotage si vous préférez est imparable : Comment expliquer qu’aucune des femmes séquestrée n’ait jamais réussi à se libérer ? Il faut une longue pratique, une longue expérience pour en arriver là ! Cela ne s’apprend pas en regardant des vidéos ! Contrairement à des chaines cadenassées ou à des menottes, en luttant contre elles, à la longue les cordes peuvent s’étirer, se relâcher, les nœuds peuvent finir par glisser, se défaire… » Les quatre victimes présentes prennent la parole pour confirmer : « Pourtant nous avons lutté sans relâche pendant des heures et des heures, jour et nuit, jusqu'à nous en irriter les poignets ! » -« Au début en tout cas, qu’est-ce que je me suis démenée, jusqu’à en attraper des crampes mais rien à faire, rien n’a cédé ! » - « C’était vraiment impossible, les cordes me tenaient de partout, la nuit c’était un peu plus lâche mais comme elle dormait à coté de moi… » - « Finalement, de jour en jour, je me suis résignée, les liens n’étaient pas douloureux mais je finissais par me faire mal à vouloir en réchapper et sans aucun résultat… Alors je me suis découragée, je ne bougeais plus, je ne luttais plus… » De plus cette femme prenait soin de vérifier leurs liens, de les refaire, de les changer de position ; toutes conviennent de l’impossibilité de s’évader malgré tous leurs efforts et toutes ont fini par renoncer, de guerre lasse.
Je reprends la parole : « D’après ce que vous dites c’est donc dans ce milieu qu’il faut rechercher, nous devons envoyer interroger tous les clubs, tous les lieux et tous les pratiquants de BDSM que nous pourrons trouver. Je sais bien que cette femme sait changer d’aspect mais nous pourrions établir une gamme de portrait robots avec ses différentes coiffures, qu’en pensez vous ? » Fabienne et Charles acquiescent : « Oui c’est une bonne idée, nous allons donner des instructions en ce sens et nos amies présentes ici nous aideront à les peaufiner, n’est ce pas ? » Toutes quatre sont partantes bien sûr, la coalition des victimes, ce n’est pas un vain mot ! « Ensuite nous allons déployer des enquêteurs dans tout le secteur concerné. Et vous, Mme Paoli, comment voyez-vous la suite de vos investigations ? - Je pense remonter quelques jours à Paris, il me reste cette Angélique S. de Bondy à rencontrer, suite à la visite de la psychologue que nous lui avons mandatée et à plusieurs coups de fils, de ma part mais aussi de Chloé, elle désire me voir et être tenue au courant de l’avancement de l’enquête. Vous voyez, cette haine rentrée qu’elles avaient toutes s’est maintenant muée en désir de combat, c’est tant mieux pour elles et tant mieux pour nous. Par ailleurs je veux aussi me documenter plus précisément sur ce milieu et ces pratiques dont le docteur vient de nous parler, je pense que c’est à Paris où je peux trouver le plus d’informations. La réunion se conclut par un petit apéritif, sans trop d’alcool, il ne faut pas donner une mauvaise réputation à la police !
A suivre ...