
Chapitre 4
-Je ne connais toujours pas votre nom...
Les deux hommes étaient arrivés à l'adresse indiquée sur le bout de papier. C'était une petite chambre de bonne coincée sous les combles d'un immeuble aujourd'hui vétuste.
-Saska. Répondit la Bondagistanaise. Et vous ?
-Lord William Hartworth. Et voici moi valet, Simon Baker.
-Enchantée messieurs.
-Il n'y a personne d'autre ? Demanda le jeune homme d'un air inquiet.
-Vous n'avez toujours pas compris ? Lui répliqua la jolie brune.
-Compris quoi ? Où est le fameux guide que vous m'avez promis ?
-Devant vous.
Lord Hartworth la dévisagea un court instant d'un air perplexe avant de deviner où elle voulait en venir.
-Vous vous moquez de moi.
-Pas le moins du monde. Répondit-elle.
-Mais, vous êtes une...
-Une femme ? Effectivement, vous êtes très observateur mon cher.
Simon étouffa un rire.
-Mais enfin, cela peut-être terriblement dangereux. Ajouta le jeune gentleman.
-Et comment imaginez-vous la vie, ici, dans les bas quartiers de Londres, pour une fille comme moi ? Rétorqua la jeune femme.
-Je... Je...
-Devoir sans cesse surveiller ses arrières, éviter les ruelles sombres, ou bien se préparer à prendre ses jambes à son cou dès qu'un inconnu vous adresse la parole...
-Mais...
-J'ai grandi au Bondagistan. Je connais mon pays, ses habitants et ses mœurs. Vous, vous n'en savez rien.
-Voyons...
-Et vous ne seriez pas ici si vous aviez rencontré d'autres Bondagistanais, n'est ce pas ?
Le jeune homme secoua la tête timidement devant cette étrangère qui se transformait en véritable furie sous ses yeux.
-Vous n'avez que moi. Affirma Saska. Vous pouvez chercher tant que vous voulez, vous ne trouverez personne d'autre.
Lord William se tourna vers son valet.
-Vous croyez qu'elle dit vrai ?
-J'en ai bien peur monsieur.
-Bien sûr que je dis vrai. Intervint la jeune femme. Je suis la seule personne dans cette ville susceptible de vous aider. Mais il va falloir me convaincre...
-Combien ?
-Oh, je ne parle pas d'argent. Dit-elle en s'approchant d'une petite malle. Au Bondagistan les choses sont très différentes d'ici.
-Que voulez-vous alors ?
-Je veux que vous me montriez vos aptitudes...
-Je sais aussi bien manier l'épée que le fusil.
-Je n'en doute pas une seule seconde... Mais je parlais plutôt de charme... Lança-t-elle d'une voix sensuelle.
-Mais, mon cœur est déjà pris. Protesta le jeune homme.
-Vous êtes adorable mon cher, mais décidément vous ne connaissez rien de nos coutumes. Dit-elle en plaçant un rouleau de corde dans la main du lord.
-Qu'est ce que ?!
-Au Bondagistan la séduction se joue avec ceci. Expliqua-t-elle. Pas de danse, pas de chant, simplement du ligotage.
-Mais, c'est complètement fou.
-Pas plus que d'échanger des lettres pendant des mois avant de pouvoir tenir la main de la personne que l'on aime...
-Enfin...
-Je crois qu'elle n'a pas tout à fait tord monsieur.
Saska fixa les yeux du jeune homme avec conviction.
-Vous n'avez pas le choix. Si vous souhaitez aller au Bondagistan vous devez être capable d'attacher une femme.
-Mais c'est inconvenant.
-Ici peut-être... Mais là-bas c'est la norme. Alors vous allez me ligoter avec cette corde et toutes celles que vous jugerez nécessaires. Ordonna-t-elle. Et vous devrez faire les choses bien, car je vous mets au défi.
-Au défi ?
-Si je me libère, vous pourrez dire adieu à votre expédition... Mais en revanche, si vos liens sont efficaces, je serai votre guide. Marché conclu ?
Le jeune lord échangea un bref regard avec son valet avant de hausser les épaules.
-Marché conclu.
Quelques instants plus tard il attrapait les poignets de la jolie brune pour les lier dans son dos. Ses doigts tremblaient et il n'avait aucune idée précise de ce qu'il allait faire ensuite, mais il se souvenait relativement bien des divers numéros qu'il avait vu la veille.
-N'ayez pas peur de serrer. Suggéra Saska. Je suis plutôt souple.
-Oh, ce n'est pas cela qui me préoccupe. Répondit-il. Pouvez-vous me dire où sont les autres cordes ?
-Mais certainement. Elles sont dans la petite malle.
-Simon ?
-Oui monsieur.
-Apportez la jusqu'à moi, voulez-vous.
-Bien monsieur.
Le valet l'approcha et le jeune lord en sortit une deuxième corde qu'il utilisa pour ligoter les bras de la Bondagistanaise contre son buste.
-Asseyez-vous. Demanda lord William.
Saska s'exécuta et il lui attacha les chevilles l'une à l'autre avant de lier ses genoux contre sa poitrine. La jeune femme était désormais assise sur le sol, les jambes fermement repliées sur ses seins. Elle ne pouvait quasiment plus bouger.
-Vous me semblez assez doué mon cher.
-Merci.
-Si vous en avez fini avec les cordes vous pouvez me bâillonner à présent.
-Vous bâillonner ?
-Bien sûr... Je pensais que cela allait de soi...
Lord Hartworth parut hésitant.
-Vous trouverez ce qu'il faut au fond de mon coffre.
-D'accord. Dit-il en regardant. Le truc en cuir ?
-Oui, c'est ça.
-Bien...
Et il l'introduisit entre les dents de sa jolie captive.
-Mmmh... Gémit cette dernière en commençant à tester ses liens.
Le lord et son valet allèrent donc s'assoir sur deux petites chaises branlantes pour regarder la jeune femme se débattre. Elle venait de basculer sur un côté et frétillait à présent comme une anguille sur le sol. Elle soufflait, elle soupirait, elle haletait, sans jamais réussir à se dépêtrer de ses liens. Malheureusement pour elle, le jeune homme était très observateur et il avait bien retenu ce qu'il avait appris pendant le spectacle du magicien.
-Mmmh...
-Visiblement elle semble avoir quelques difficultés à se libérer.
-Mmmh...
-En effet...
-Mmmh...
-Quelle chance tout de même que vous ayez passé deux ans dans une école de marine militaire monsieur.
-Mmmh...
-Oui, j'ai eu l'occasion d'y apprendre à faire de jolis nœuds.
-Mmmh...
-Croyez-vous que nous devions déjà la libérer ?
-Mmmh...
-Oh, pas tout de suite, nous risquerions de la vexer. Attendons encore un peu.
-Mmmh...
-Vous avez certainement raison. Et puis, elle ne nous a spécifié aucune durée.
-Mmmh...
Adranon était parti en la laissant attachée et bâillonnée.
-Mmmh... Avait-elle supplié pendant de longues minutes.
Mais il n'était pas revenu. Et depuis lors elle gigotait comme une furie. Car, malgré le peu de liens qui l'entravaient, lady Mary n'était pas assez souple pour se libérer, et elle ne disposait absolument d'aucun objet pour l'y aider.
Elle rampait, elle se tortillait, elle se trémoussait sur le sol de sa cabine, sans autre espoir que le magicien revienne la détacher. Ce même magicien qui comptait l'offrir au roi du Bondagistan. Une jeune lady dans un harem à l'autre bout du monde. Bigre, même dans ses romans d'aventure à l'eau de rose cela n'arrivait pas. Et pour cause, ce qu'elle vivait n'avait rien d'enviable.
Enlevée, attachée, séquestrée...
Elle frissonnait en s'imaginant déjà là-bas. Une vulgaire esclave contrainte d'exhiber ses formes dans une tenue aussi courte et impudique que celle qu'elle portait actuellement. Voire pire sans doute. Elle sanglotait. Elle n'avait pas le choix. Elle n'avait aucune possibilité de s'échapper dans l'immédiat. Quand bien même elle arriverait à ôter ses liens, elle ne pourrait pas sortir de sa cabine. Et en outre, elle était toujours en mer. Aucune chance d'aller bien loin à la nage, même si, comble de l'ironie, elle était habillée en circonstance. Elle devait attendre d'être sur la terre ferme et nul doute que dans ce cas elle serait surveillée de près par son ravisseur... ou bien solidement attachée... Toujours pas la moindre chance. Elle était incapable de s'échapper de liens aussi simples que ceux qui entravaient ses poignets, ses coudes et ses chevilles. Elle n'avait pas la souplesse pour ça.
Pour l'instant.
Elle devait travailler. Si elle voulait pouvoir se sortir un jour de ce pétrin, il fallait qu'elle soit bien plus souple qu'aujourd'hui. Plus souple, plus forte et plus déterminée. Elle devait jouer son jeu pour le moment, faire semblant d'être résignée et d'accepter son sort, tout en profitant de chaque instant où elle aurait les mains libres pour entretenir son physique. Elle savait déjà quoi faire. Son père était militaire de carrière. Elle n'avait qu'à se remémorer les différents exercices qu'elle le voyait faire, quand elle était petite.
-Mmmh... Gémit-elle avec un air furieux en voyant Adranon entrer dans sa cabine.
-Voyons ma chère. Ce n'est pas en faisant cette tête là que vous me donnerez envie d'ôter votre bâillon...
La jeune femme afficha un sourire de façade et baissa doucement les yeux.
-Je vois que vous apprenez vite. Dit-il en retirant le foulard de ses lèvres. C'est mieux comme ça, n'est ce pas ?
-Oui...
-Parfait... Si vous le voulez bien, je vais vous détacher.
Quelle question ? Bien sûr qu'elle le voulait bien.
-Ana et Ina vous apporteront à boire et à manger d'ici quelques minutes.
-D'accord.
-Cependant, contrairement à hier elle resteront avec vous.
-Pourquoi faire ?
-Pour parler ma chère. Au Bondagistan je suis une exception. Très peu de personnes parlent votre langue...
Ces mots sonnèrent comme une douche froide dans la tête de lady Mary. Un autre pays, une autre langue, une autre vie...
-Mais...
-Il n'y a pas de « mais ». Ou bien vous leur parlez et vous faites des progrès significatifs. Ou bien...
La jeune femme frissonna soudainement. Inutile de lui rappeler la suite.
Nue, à fond de cale.
-Je vois à votre visage que je n'ai pas besoin d'en dire davantage...
-Effectivement...
-Vous êtes une fille raisonnable et de bonne éducation. Nul doute que si vous y mettez du votre, vous apprendrez très vite car notre langue n'est guère compliquée... Mais avant de vous laisser avec mes deux Bondagettes, je vais vous demander une dernière chose.
Ses deux Bondagettes ?!
-Quoi donc ?
-Votre nom ma chère, puisque vous connaissez déjà le mien... Après tout, ce n'est qu'une question de politesse et de bonnes convenances.
De bonnes convenances en la retenant prisonnière ?!
-Mais très certainement. Appelez-moi lady Finneley.
Il la regarda droit dans les yeux avec autorité.
-Lady Mary Finneley... Ajouta-t-elle.
-Mary, c'est si exotique... Répondit-il. Mais c'est joli comme tout.
Sur ces paroles, les deux sœurs entrèrent, munies d'eau et de nourriture. La jeune Anglaise ne peut s'empêcher une nouvelle fois de les détailler du regard. Deux ravissantes brunes au teint halé, à moitié nues comme elle et arborant de larges colliers de cuir autour de leur cou.
-Je crois qu'il est temps de m'éclipser ma chère Mary. Déclara Adranon avant d'échanger quelques mots dans un langage incompréhensible pour la jolie rousse.
Un langage que bientôt elle comprendrait...
A suivre...