
Chapitre 9
Lady Mary attendait. Quelques minutes plus tôt Magon l'avait entraînée dans les sous sols du palais jusqu'à une petite salle sombre dépourvue de tout objet et de toute décoration, à l'exception de plusieurs anneaux de fer fichés dans la roche. Des anneaux que le Maître bondageur avait inspectés, lentement, les uns après les autres, avant d'en choisir un, fermement encastré dans le sol, au beau milieu de la pièce. Puis, d'un geste sûr et autoritaire, il avait tiré sur la chaîne reliée au collier de sa captive pour la forcer à s'agenouiller, et il avait cadenassé son extrémité autour de la boucle de métal avant de s'en aller.
Depuis lors, la jeune femme tirait avec fureur et frénésie sur la solide entrave qui la retenait prisonnière. Cette entrave qui était bien trop courte pour qu'elle puisse se mettre debout...
Une vulgaire laisse.
Elle se sentait souillée et humiliée. Elle n'avait d'autre choix que de rester à genoux ou de s'assoir. Elle n'était plus qu'un animal à quatre pattes. Un animal sauvage qu'il fallait apprivoiser...
-Pitié ! Hurla-t-elle.
Mais personne ne répondit. Elle était seule, perdue et abandonnée. Une pauvre femme enchaînée dans une cave sinistre et angoissante. Une femme à la merci du geôlier qui l'avait enfermée là.
-Pitié !
L'homme ne revenait toujours pas. Pourtant il devait revenir. Il ne pouvait tout de même pas la laisser là. Il le devait. Il devait revenir...
L'attente la rendait folle. Elle tirait sur son large collier d'or comme une demeurée. Elle criait, elle pleurait, elle gémissait. Mais l'homme ne revenait toujours pas.
Puis, alors qu'elle n'y croyait plus, Magon réapparut enfin.
-Je vous en prie. Implora-t-elle. Je ferai tout ce que vous voudrez mais détachez-moi.
Le Maître bondageur la regarda droit dans les yeux, en silence et sans bouger. Alors seulement lady Mary vit ce qu'il avait dans les mains. Deux longs rouleaux de cordes et un petit objet en cuir...
Il n'était pas là pour la libérer.
-Pitié...
-L'homme commença par poser l'étrange accessoire sous ses yeux.
Une boule noire surmontée d'une sangle.
-Non, pas ça ! Protesta-t-elle, les yeux fixés sur le bâillon.
-Tout doux... Répondit Magon. Tout doux... Je le garde pour la fin...
La jeune femme ne pouvait pas quitter l'objet du regard. Il l'hypnotisait littéralement.
-Je serai sage. Je ne crierai pas.
-Avec ça je n'en doute pas.
Le Maître bondageur déroula alors son premier rouleau de cordes, à un mètre à peine de sa prisonnière.
-Pitié ! Supplia-t-elle en faisant tout son possible pour s'éloigner de lui.
Malheureusement la chaîne lui rappela bien vite son emprise et elle manqua de s'étrangler avec son collier.
-Inutile de lutter ma chère Mary. Vous n'y échapperez pas...
-Je vous en prie...
L'homme tournait lentement autour d'elle comme un chasseur tourne autour de sa proie. Une proie sans défense et sans espoir.
-Pitié...
La jeune femme sentait maintenant l'odeur du chanvre qui imprégnait doucement la pièce, sa peau et ses vêtements.
La lutte était perdue d'avance. Elle ne pouvait pas s'enfuir. Elle ne pouvait pas combattre.
-Je vous en prie...
Magon était parvenu à saisir ses bras avec vigueur et fermeté pour les plaquer dans son dos.
-Du calme... Souffla-t-il au creux de son oreille.
-Pitié...
La corde s'enroulait lentement autour de ses coudes. Tour après tour elle sentait ses bras se rapprocher inexorablement l'un de l'autre. Tour après tour elle sentait les morsures sur sa peau devenir plus vives, plus intenses. Tour après tour elle sentait le peu de liberté qu'il lui restait s'évanouir définitivement.
-Voilà qui est mieux. Déclara-t-il en finissant par un simple nœud.
D'un geste brusque il poussa ensuite la jeune femme vers l'avant, de manière à cambrer son buste et à tirer ses bras vers l'arrière.
-Laissez-moi... Implora-t-elle tandis que Magon se munissait de son deuxième rouleau.
Pour toute réponse, le Maître bondageur ligota ses poignets solidement. Puis, avec autorité, il tira sur cette ultime entrave pour entraîner lentement les mains de sa jolie captive vers le haut.
-Cela fait mal. Se plaignit la rousse.
-Ne sous-estimez pas votre souplesse ma chère. Rétorqua le Bondagistanais en fixant l'extrémité de sa corde à un anneau fiché dans le plafond.
-Mais, ça tire...
-C'est normal. La position est assez contraignante pour vos bras si vous choisissez de rester à genoux.
-Si je choisis de rester à genoux ?
-Oui, l'autre alternative étant de vous redresser sur vos jambes...
-Mais je ne peux pas, la chaîne est trop courte pour que je puisse me mettre complètement debout.
-C'est là tout l'intérêt du jeu. Expliqua-t-il. Vous avez le choix entre fatiguer vos bras ou bien fatiguer vos jambes.
-C'est un véritable supplice.
-Vous comprenez vite... Mais assez parlé. Ordonna-t-il en s'emparant brusquement du bâillon.
-Pitié... Pas ça... Supplia-t-elle avant de serrer les dents.
Magon la regarda alors droit dans les yeux. Visiblement sa tentative désespérée ne l'impressionnait guère.
-Vous n'êtes pas la première à essayer. Dit-il en tirant violemment ses cheveux vers l'arrière.
-Aie ! Cria la jeune femme avant de comprendre trop tard le but de sa manœuvre.
Car la grosse boule noire était déjà coincée entre ses dents.
-Mmmh... Gémit-elle en se débattant.
Mais la poigne du Maître bondageur restait ferme, et bientôt la petite sangle fut solidement bouclée sur sa nuque. Impossible dès lors de recracher ce maudit bâillon.
-Mmmh...
-Du calme ma chère. Dit-il en reculant d'un pas pour la contempler.
Lady Mary en profita pour souffler. Même Adranon ne lui avait jamais fait subir une posture aussi précaire et inconfortable. Malheureusement son répit ne fut que de courte durée, car le Bondagistanais s'approcha de nouveau pour poser sa main dans ses cheveux.
-Il va falloir que tu acceptes ta condition. Dit-il en la tutoyant pour la première fois. Dorénavant tu fais partie des bondagettes du Roi. Il est donc de ma responsabilité de t'enseigner les bases d'un ligotage plus esthétique, plus rigoureux, plus contraignant... et plus sensuel...
-Mmmh...
-Je connais bien le corps des femmes. Continua-t-il d'une voix douce. Je connais votre souplesse, votre endurance. Je sais ce qui vous fait mal... Ou ce qui vous excite...
Magon effleura alors délicatement sa nuque du bout des doigts pendant quelques secondes, juste le temps nécessaire pour qu'une forme de chaleur, étrange et troublante, commence à s'insinuer lentement en elle.
-Et je sens à tes frémissements que tu comprends parfaitement de quoi je parle...
-Mmmh...
-Durant les prochains jours je vais jouer avec toi, Mary. Je vais t'initier à certains aspects du ligotage que bien peu connaissent, même dans ce pays. Je vais t'apprendre à endurer mille tourments, mille plaisirs...
-Mmmh...
-Mais chaque chose en son temps. Aujourd'hui tu dois apprendre ta première leçon. Sans doute la plus importante de toutes...
Laquelle ?
-Tu vas devoir apprendre à accepter ton impuissance, à accepter qu'il est impossible de te libérer seule... Et pour cela, il n'y a qu'une manière. Dit-il en se levant brusquement pour se diriger vers la porte.
-Mmmh...
-Alors amuse toi bien. Car je ne viendrai te détacher que lorsque tu auras renoncé à toute idée de contrôle... Quand tu auras définitivement lâché prise et abandonné tout espoir...
-Mmmh...
-Et une dernière chose... Termina-t-il en la fixant droit dans les yeux. Je reconnais très bien une femme qui simule... Alors ne joue pas à ça avec moi.
Sur cette ultime mise en garde, il la laissa seule dans sa cellule. Sans autre compagnie que sa volonté, son endurance et sa résistance. Sans autre choix que de rester à genoux, les bras tendus vers le haut, ou bien de se redresser péniblement sur ses jambes, le corps courbé dans une position difficile et intenable. Combien de temps allait-elle pouvoir supporter ce supplice infernal ? Combien de temps allait-elle rester ainsi, attachée et bâillonnée, avant de capituler et de s'en remettre uniquement à son geôlier pour espérer un quelconque salut ?
A suivre...